Alors qu’il ne reste que jusqu’au 20 décembre pour voir l’exposition proposée après la FIAC par les deux galeries Applicat-Prazan rue de Seine et avenue Matignon, Lydia Harambourg, historienne et critique d’art, éclaire dans la Gazette Drouot (n°41 p.386) le contexte entourant les œuvres présentées.
Créateur, instigateur et praticien du mouvement de l’abstraction lyrique, Georges Mathieu (1921-2012) vit la peinture comme un acte fondateur. La prééminence du signe sur le sens entraîne l’inversion sémantique et l’anéantissement de vingt siècles de raison, libérée des contraintes et habitudes classiques. Et la peinture ? Elle est au centre d’une révolution picturale en accord avec l’engagement ontologique de l’artiste. Dès ses premières peintures, Mathieu postule une liberté transcendantale qui inaugure l’ère de la gestualité instinctive, celle de l’improvisation, de la spontanéité et de la vitesse. L’abstraction lyrique de Mathieu impose une « phénoménologie de l’acte de peindre ». La genèse est à chercher dans son ouvrage Au-delà du tachisme (1963).
Les quinze premières années mettent en place un vocabulaire plastique qui identifie Mathieu. Son style s’érige en mythe. Les « véhémences soufrées », dont parle Malraux en 1948, évoluent vers une déferlante de signes plaqués d’un geste épique. Le noir et le rouge dominent une palette enrichie de bleu et violet de cobalt, de jaunes de chrome qui célèbrent, à partir des années 1950, l’apparat royal et ses fastes.
À Machiavel I (1952), grille tragique intégrée au fond, succèdent La Mort accidentelle de Louis d’Outremer (1954) et L’Impératrice Irène fait crever les yeux de son fils Constantin VI (1956). La dynamique des signes exerce une poussée rythmique. Face au vide, Mathieu conjure l’échec permanent, refoule le doute et l’hésitation. Tour à tour tache, aplat ou coulure, le signe, tracé directement au tube, est la visualisation d’une pulsion. Le dripping est pour lui une pratique courante. Entre élan et réflexion naît « l’abstraction prophétique », celle qui met Mathieu « seul en face de Dieu à la fin de sa vie ». Les galeries Rive droite et Rive gauche présentent ainsi un florilège d’œuvres du maître de l’abstraction lyrique.
Photographie : Fourth Avenue (1957)