« Artistic License. Six takes on the Guggenheim Collection. » est une exposition organisée par le musée Guggenheim de New York, du 24 mai 2019 jusqu’au 12 janvier 2020, dont les six commissaires sont des artistes. Richard Prince propose une section intitulée « Four Paintings Looking Right » dans laquelle il a inclus deux œuvres majeures de Georges Mathieu issues de la collection du musée. Dans le texte d’accompagnement qui ne manque pas de courage dans le cadre d’une exposition américaine, Richard Prince écrit :
Avec le remaniement de l’ordre mondial à la fin de la Seconde Guerre mondiale et l’aube simultanée de la guerre froide à la fin des années 1940, la peinture et la sculpture abstraites américaines ont acquis une nouvelle importance dans la conscience culturelle internationale. Cette forme d’art émergente et en plein développement était largement fondée sur l’acceptation de la subjectivité et du hasard, avec des racines dans l’iconographie amérindienne, les éléments d’improvisation du jazz et l’influence des artistes surréalistes s’étant exilé aux États-Unis en temps de guerre. La propagation de l’expressionnisme abstrait américain ici et à l’étranger a été catalysée par un effort stratégique de la part du gouvernement américain — la CIA en particulier — pour diffuser une éthique du libéralisme face à l’empiètement de l’idéologie communiste en Europe de l’Est. Les drippings intrépides de Jackson Pollock ont été confrontés au réalisme socialiste de l’URSS. L’expressionnisme abstrait est devenu, sans le vouloir, une marque américaine d’exportation, une branche propagandiste du Département d’État.
Mais ce qui est perdu dans cette évaluation de l’histoire de l’art, c’est l’argument tout aussi convaincant selon lequel l’abstraction d’après-guerre — en tant que rejet immédiat du classicisme et du réalisme plus traditionnels qui sont apparus dans les années 20 et 30 — était en grande partie un mouvement transnational. Art Informel en France, CoBrA au Danemark, aux Pays-Bas et en Belgique, Zero en Allemagne et Gutai au Japon ont tous défendu l’idée de l’abstraction comme une stratégie esthétique libératrice face aux ravages de la guerre.
Sur la photo à gauche : Composition, 1959.
Sur la photo à droite : Black and White Abstract (La mort de la Reine Edith), 1957.